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L’activité physique adaptée en oncologie mammaire : de la prescription à la pratique

Résumé

L'activité physique adaptée (APA) est un traitement de support recommandé pendant et après les traitements du cancer du sein. Elle réduit la fatigue, améliore la qualité de vie et la condition physique, sans aggraver le lymphoedème. Des essais récents, y compris en maladie métastatique, confirment l'intérêt de programmes supervisés et individualisés. En pratique, viser ≥150 min/sem d'aérobie modérée et ≥2 séances/sem de renforcement, selon un parcours coordonné (oncologue–médecin du sport–EAPA/kinésithérapie) [1-4].

Introduction

Le cancer du sein demeure le cancer le plus fréquent chez la femme. Les traitements (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie) exposent à une fatigue persistante, une sarcopénie, des troubles métaboliques, une baisse de la densité minérale osseuse et des limitations fonctionnelles. L'APA, intégrée aux soins de support, vise à prévenir ces effets indésirables tout en améliorant la qualité de vie [5–7].

Mécanismes d'action

Les bénéfices de l'APA reposent sur la modulation de l'inflammation et l'amélioration de la sensibilité à l'insuline. Elle favorise une recomposition corporelle (augmentation de la masse maigre, réduction de la masse grasse), préserve la densité osseuse sous hormonothérapie, prévient la sarcopénie, renforce les capacités cardio-respiratoires et agit favorablement sur l'humeur et l'anxiété. Ces adaptations se traduisent par une réduction de la fatigue et une amélioration de la qualité de vie [5–8].

Bénéfices cliniques démontrés

Les méta-analyses montrent des améliorations significatives de la fatigue et de la qualité de vie avec des programmes combinant endurance et renforcement [5–7]. Un essai randomisé (JCO 2023) démontre qu'un programme supervisé de 8 semaines améliore la fonction physique chez les patientes sous hormonothérapie [2]. L'essai PREFERABLE-EFFECT confirme ces bénéfices sur 9 mois chez des femmes avec cancer avancé [1]. Les données observationnelles suggèrent une baisse du risque de récidive avec l'activité régulière [9]. Le renforcement progressif du membre supérieur n'aggrave pas le lymphoedème [10].

Parmi les initiatives françaises emblématiques d'activité physique adaptée en oncologie, le programme PARADE-Solution RIPOSTE, porté au CHRU de Nancy sous la direction du Pr Mathias Poussel, illustre parfaitement l'intégration du mouvement dans les soins de support du cancer du sein [11]. Cette approche originale propose la pratique de l'escrime adaptée, initiée dès les premières semaines après chirurgie, pour restaurer la mobilité de l'épaule, prévenir le lymphoedème et favoriser la posture et la coordination. Au-delà du travail corporel, RIPOSTE contribue à la reconstruction de l'image de soi et au bien-être psychologique, en inscrivant la patiente dans une dynamique de réappropriation corporelle et de confiance.

Impact pronostique

Le rapport de l'Institut National du Cancer (INCa, 2017) confirme qu'une activité physique régulière après diagnostic réduit de 30 à 50 % la mortalité globale et de 25 à 30 % le risque de récidive. Un effet dose-réponse est observé dès 3 à 5 MET·h/semaine (environ 150 minutes d'activité modérée). Au-delà du bénéfice biologique (amélioration de la sensibilité à l'insuline, réduction de l'inflammation chronique, modulation immunitaire), l'APA exerce un impact psychologique majeur. Elle réduit la fatigue de 25 à 30 %, atténue les symptômes anxiodépressifs, restaure l'image corporelle et favorise la réinsertion sociale et professionnelle. Ainsi, le rapport positionne l'activité physique adaptée comme un levier thérapeutique à part entière, à la fois préventif et intégratif dans le parcours de soins en oncologie mammaire [12].

Prescription pratique

Selon les référentiels français, la prescription d'APA chez les patientes atteintes d'un cancer du sein repose sur un volume hebdomadaire d'au moins 150 minutes d'activité aérobie d'intensité modérée (ou 75 minutes d'intensité vigoureuse), complétées par 2 à 3 séances hebdomadaires de renforcement musculaire et une réduction active de la sédentarité au moyen de pauses dynamiques quotidiennes [3,4].

Composantes

Aérobie : marche rapide, vélo, natation, avec fractionnement possible en séquences de 10 à 15 minutes lors des épisodes de fatigue.
Renforcement : 6 à 10 exercices polyarticulaires, réalisés en 1 à 3 séries de 8 à 12 répétitions, avec progression contrôlée (RPE 4 à 7/10).
Souplesse et équilibre : 2 à 3 séances hebdomadaires selon besoins individuels, notamment en cas de limitations cicatricielles ou de neuropathies périphériques.

Adaptations selon le traitement

Les modalités d'APA doivent être adaptées selon la phase de traitement (voir Tableau 1 en annexe pour le détail des recommandations par situation clinique).
Chimiothérapie : intensité modérée, vigilance si anémie/neutropénie/neuropathies.
Radiothérapie : éviter frottements sur zones irradiées.
Hormonothérapie : renforcement pour santé osseuse et métabolisme.
Métastases osseuses : exercices portés (aquatique, vélo assis), contractions isométriques [1,3].

Organisation du parcours

Le déploiement efficace requiert une coordination multiprofessionnelle : oncologue, médecin du sport, EAPA et kinésithérapeutes. La prescription d'APA doit figurer dans le plan personnalisé de soins avec objectifs mesurables [3].

Messages clés

  • 1. L'APA est sûre et efficace pendant et après traitement, y compris en contexte métastatique [1,5–7].
  • 2. Les bénéfices portent sur fatigue, qualité de vie et fonction ; le renforcement n'aggrave pas le lymphoedème [5–7, 10,11].

  • 3. Prescrire ≥150 min/sem

Conclusion

    En oncologie mammaire, l'APA est un standard des soins de support. Elle doit être prescrite, dosée et encadrée dans un parcours structuré. Les priorités sont l'accessibilité des programmes, la coordination ville-hôpital et la formation des équipes.
    Je remercie le Dr Jamyl SOUIDI et l'équipe de médecine du sport d'UNEOS Belle-Isle ainsi que le Dr Cécilia RICHARD et l'équipe de gynécologie spécialisée en sénologie de l'hôpital Robert SCHUMAN, pour leur relecture attentive et leurs suggestions constructives qui ont enrichi ce travail.

    Article rédigé par le Dr Patrick BAVELELE – Médecin du Sport SMR Polyvalent UNEOS Belle Isle

    Références bibliographiques

    1. van Waart H, Kalofonos HP, May AM et al. Supervised exercise for patients with metastatic breast cancer: results from the PREFERABLE-EFFECT trial. Nat Med. 2024;30(5):746-755. doi:10.1038/s41591-024-02961-3.
    2. Courneya KS, Segal RJ, McKenzie DC et al. A supervised virtual exercise program for women receiving endocrine therapy for early-stage breast cancer: a randomized controlled trial. J Clin Oncol. 2023;41(12):2202-2213. doi:10.1200/JCO.22.02341.
    3. Jang MK, Choi YS, Kim H et al. Resistance exercise and bone density in women on aromatase inhibitors: a randomized study. J Clin Med. 2025;14(16):4732. doi:10.3390/jcm14164732.
    4. Tan L, Wong M, Sivalingam N et al. Can exercise as a complementary technique manage metabolic and inflammatory responses in breast cancer? Clin Nutr. 2024;43(7):1953-1965. doi:10.1016/j.clnu.2024.03.018.
    5. Wu T, Dong J, Cai Y et al. Effect of exercise therapy on cancer-related fatigue in breast cancer: a network meta-analysis. Medicine (Baltimore). 2023;102(48):e32451. doi:10.1097/MD.0000000000032451.
    6. Dong J, Yue J, Cao Y et al. Effects of exercise type and duration on pain and quality of life in breast cancer patients: systematic review and meta-analysis. PLoS One. 2024;19(7):e0300176. doi:10.1371/journal.pone.0300176.
    7. Papadopetraki A, Pavlidis N, Filippou D et al. The role of exercise in cancer-related sarcopenia and body composition changes. Nutrients. 2023;15(24):5061. doi:10.3390/nu15245061.
      8 Courneya KS, Segal RJ, McKenzie DC et al. Effects of aerobic and resistance exercise in breast cancer patients receiving adjuvant chemotherapy: a multicenter randomized controlled trial. J Clin Oncol. 2007;25(28):4396-4404. doi:10.1200/JCO.2006.08.2024.
    8. Lahart IM, Metsios GS, Nevill AM, Carmichael AR. Physical activity post-diagnosis and survival outcomes in breast cancer: a dose–response meta-analysis. Breast Cancer Res Treat. 2023;191(1):97-108. doi:10.1007/s10549-023-06881-4.
    9. Bettariga F, Kang D, Hayes SC et al. Effects of exercise on inflammation in female survivors of breast cancer. J Natl Cancer Inst. 2025;117(10):1984-1996. doi:10.1093/jnci/djae112.
    10. Omorou AY, Hasnaoui S, Rotonda C, Soudant M, Freitas AC, Poussel M et al. Adapted Fencing for Patients With Invasive Breast Cancer: Rationale and Protocol for the RIPOSTE Study. Front Sports Act Living. 2022;9:786852. doi:10.3389/fspor.2022.786852.
    11. Institut National du Cancer. Bénéfices de l'activité physique pendant et après cancer: des connaissances scientifiques aux repères pratiques. Collection "États des lieux et des connaissances", mars 2017. INCa, Paris. Disponible sur: e-cancer.fr.